La création du camping de la Madone (800 places) à Penvins en 1955 marque le début de l'extension touristique. Actuellement, on peut estimer la population estivale à 120000 personnes. La répartition géographique des estivants montre que les communes de Saint-Gildas et Arzon en recueillent le plus grand nombre, suivi par la partie sud de la commune de Sarzeau. Le mode d'hébergement de la population estivale est assez diversifié; ainsi en 1975, on comptait 2800 résidences secondaires, 7500 places de camping auxquelles s'ajoutent 15 000 campeurs « sauvages », l'hébergement chez l'habitant, les colonies de vacances (plus de 2000 lits).

L'idée d'un aménagement à vocation touristique de la presqu'île remonte à l'entre-deux guerres: certaines sociétés se créent dans ce but, sans aboutir à des opérations concrètes. Il faut attendre 1965, pour que le Conseil général du Morbihan décide la création d'un organisme touristique, la Société d'Aménagement Touristique du Morbihan (SATMOR).

Le schéma directeur, élaboré par cet organisme, prévoit un aménagement de forte densité dans les secteurs de Suscinio-Penvins (26000 lits) et de Kerjouanno-Le Croisty (10800 lits).

 

Pour la réalisation de ces projets, le secteur Kerjouanno-Le Croisty a surtout bénéficié des études de la SATMOR. Malgré l'opposition d'une partie de la population, les terrains ont été acquis, viabilisés, parfois aux frais de la collectivité, puis revendus à des sociétés immobilières chargées de la construction et de la vente d'immeubles et de villas. Le port du Croisty est considéré comme le centre de cette réalisation.

Ces aménagements, de par leur présence et leurs infrastruc­tures, et faute d'une maîtrise foncière efficace, ont déclenché une spéculation foncière sur presque toute la Presqu'île de Rhuys ; les lotissements et les immeubles "grand standing" en front de mer ne cessent de se multiplier entre Saint-Gildas et Beg Lan. Or ces constructions, trop proches du rivage, détruisent irrémédia­blement un site de qualité. Au cours de l'opération publicitaire de lancement du complexe Kerjouanno-Le Croisty, on a beaucoup insisté sur les réalisations de caractère social: maison de vacances des P.T.T. (400 lits), gîtes marins (équivalence de 200 logements)... mais rien n'est encore réalisé.

Cette opération d'aménagement risque de se renouveler sous des formes différentes, mais pour des visées identiques, sur le secteur Suscinio-Penvins où le Château de Suscinio joue le rôle de panneau publicitaire.

La ligne de chemin de fer de la presqu'île a cessé de fonctionner en 1949 ; depuis, un vaste réseau routier, véritable toile d'araignée tissée à travers la presqu'île, a permis la pénétration jusqu'aux moindres recoins du littoral. Pour assurer l'écoulement du flux touristique, d'anciens chemins ont été aménagés, de nouvelles voies créées: 30 km en cinq ans, voies larges de 8, 12, 14 mètres, faisant double usage avec les routes existantes plus sinueuses (R.N. 780), des parkings aménagés aux abords mêmes du rivage sur les dunes et marais (Penvins, Govelins, Ludré, Le Duer). Les ports de pêche du Logeo, Saint-Gildas, Saint-Jacques se transforment en ports de plaisance, tout comme Port-Navalo où la criée, instrument de travail des pêcheurs, sera démolie pour laisser la place à un « club-house ».

Il apparaît nettement que le tourisme des résidences secondaires est réservé à une classe aisée, et le phénomène du tourisme de luxe tend à s'amplifier, comme semble l'indiquer les chiffres d'Arzon concernant les nouveaux résidents.

D'une manière générale, beaucoup de citadins qu'ils soient Vannetais, Nantais, Rennais ou Parisiens, fréquentent la presqu'île en période estivale, puis prennent une option sur le pays de Rhuys : ils deviennent propriétaires d'une résidence secondaire servant souvent de domiciliation, ils s'intègrent peu à peu au pays, s'attirent parfois la confiance des autochtones par des mou­vements de sympathie à l'égard des problèmes locaux. Entièrement acquis au pays, certains résidents partiels se font ensuite élire dans les conseils municipaux. Ces citadins, alliés à des retraités souvent conservateurs par nature, prennent en main la gestion des communes où ils ont parfois tendance à confondre les intérêts locaux et généraux avec leurs préoccupations propres, qui, souvent, se résument aux seuls problèmes touristiques et de spéculation foncière. Ainsi les ruraux de la Presqu'île de Rhuys (qu'ils soient agriculteurs ou cultivateurs de la mer) sont de plus en plus sous la dépendance des nouveaux possédants fonciers, et il s'agit bien là d'une colonisation du monde rural par celui des villes.

La Presqu'île de Rhuys est attirante, parce que très diversifiée sur le plan des richesses de la nature, et parce qu'elle possède un certain nombre de sites de haute qualité visuelle ou d'intérêt archéologique, historique, scientifique ou simplement éducatif, patrimoine collectif qu'il convient de sauvegarder.

Malgré des atteintes irrémédiables à certains sites côtiers et à certains milieux fragiles (marais, dunes), il est encore possible d'assurer le sauvetage de secteurs représentatifs de l'originalité de la presqu'île mais il est grand temps d'agir. *

 *Extraits du Fascicule La presqu’île de Rhuys  ( la revue Penn ar Bed juin 1976 )

Chateau de Suscinio

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